Jacquou le croquant by Eugène Le Roy

Jacquou le croquant by Eugène Le Roy

Auteur:Eugène Le Roy [Le Roy, Eugène]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Romans
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2011-01-27T05:00:00+00:00


VI

Cependant, nous autres étions bien tranquilles à La Granval. Cette vie étroitement attachée à la terre me convenait ; j’aimais à pousser mes bons bœufs limousins dans le champ que déchirait l’araire, enfonçant mes sabots dans la terre fraîche, et suivi de toutes nos poules qui venaient manger les vers dans la glèbe retournée. Les travaux pénibles de la saison estivale même me riaient, comme les fauchaisons et les métives*. Ça me faisait du bien d’employer ma force, et quand le matin, ayant fauché un jounal de pré, je voyais l’herbe humide de rosée, coupée régulièrement et bien ras, j’étais content. Alors je prenais ma pierre à repasser, et j’aiguisais mon dail* en sifflant un air de chanson. Le soir, dans le temps des moissons, lorsque, après avoir chargé la dernière gerbe sur la charrette, je voyais tout ce blé qui devait faire un bon pain bis et savoureux, j’avais comme un petit mouvement de fierté, en songeant que c’était moi qui avais fait tout cela, ou quasiment tout. Pourtant Bonal m’aidait bien autant qu’il pouvait, mais ça n’est pas à son âge qu’on se met à ces travaux pénibles. Il menait la charrette, il aidait à faner, à lier les gerbes, il taillait la vigne, et autres choses comme ça. À Fanlac, il avait toujours aimé à cultiver le jardin, et il mit en ordre celui de La Granval, qui était mal en train, comme c’est l’ordinaire dans nos campagnes, où l’on est tellement pressé qu’on court au plus essentiel.

Nous vivions donc tranquilles, ne voyant guère personne, les plus proches voisins étant encore loin et séparés de nous par des bois, de manière que leurs poules ne nous gênaient point, ni les nôtres eux, ce qui est une bonne condition pour être en paix, car on sait que dans les villages les trois quarts des brouilles commencent à propos des poules qui vont gratter dans les jardins. Cela ne nous ennuyait pas au surplus, d’être isolés : lorsqu’on est occupé du lever au coucher du soleil, on ne sent pas le besoin de fréquenter des étrangers. Avec ça, Jean le charbonnier, devenu trop vieux pour passer les nuits à surveiller les fourneaux dans les bois, s’était retiré dans sa maison des Maurezies après avoir gagné quelques sous, et il venait nous voir quelquefois. C’était un brave homme, serviable, comme il l’avait montré dans l’affaire de mon père, et qui depuis cette époque s’était intéressé à moi. Il me donnait des conseils pour l’exploitation du bien, ce qui n’était pas de refus, car quoique je susse bien faire tous les travaux que requiert un domaine, je n’avais pas d’expérience assez pour les diriger sûrement en toute occasion, et ce brave homme me fut d’un bon secours pour cette raison. Le curé l’aima tout de suite aussi et l’entretenait en patois, parce que Jean, étant sans instruction aucune, ne savait même pas parler le français, comme d’ailleurs presque tous les gens de par chez nous. Mais, ayant tant vécu seul au



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